Il est des choses qui doivent être écrites avec une lucidité et un contrôle mental sans faille. Et puis il y en a d'autres qui méritent d'être écrites avec une lucidité aux oubliettes, une vision nocturne activée et une perception du monde furieusement dégradée. Ce soir n'est pas celui de la lune rouge mais celui du verre de rouge. Comme on dit, Dieu existe, il est mis en bouteille en France. Alors après avoir regardé ce film trois ou quatre fois, après l'avoir enregistré en piste audio sur mon téléphone et après avoir retenu les dialogues par cœur, je viens enfin vous baratiner l'enlèvement de Michel Houellebecq.
Réalisateur : Guillaume Nicloux
Cast : Michel Houellebecq, Maxime Lefrancois, Francoise Lebrun...
Nationalité : Française
"J'boirais bien un verre de vin"
Car voilà ma spécialité. Encore une qui ne sert à rien. Mais j'ai cette capacité à retenir les dialogues de films que personne d'autre que moi et quelques hurluberlus n'aime regarder. Demandez-moi de réciter La Maison des 1000 morts : no problemo. Demandez-moi un dialogue complet de The Big Lebowski : en voiture Simone. Et aujourd'hui, demandez-moi de vous raconter l'enlèvement de Michel Houellebecq et je vous réciterai le script sans trembler. A cette heure-ci la vie est dure, plus que d'habitude, alors laissez-moi tranquille, car moi et mes petits bonheurs, on vous emmerde.
Parlons du film, qui est le plus hilarant que j'ai vu cette année, même si la plupart des gens qui le verront s'ennuieront fermement. Pour le savourer tel un brownie parfaitement cuit, il faut aimer la personne de Michel, ce vieux bonhomme frêle et asocial beaucoup trop intelligent pour ne pas détester la vie. Il déteste aussi les dalles, architecture ratée de Le Corbusier. Allez demander aux habitants ce qu'ils pensent de la dalle d'Argenteuil après le passage de notre ancien président karcheriste aux petits pieds... Mais Michel vit peinard dans son quartier du 13ème arrondissement, quartier peuplé de chinois qu'il estime pour toujours avoir réussi à faire en sorte que les noirs et les arabes ne s'y installent pas (ouais bon, ça, je le tire de l'idée d'un personnage de l'un de ses bouquins, alors du calme). Il boit, il veut mettre de la peinture orange dans la pièce où il mange, il rend visite à quelques amis bizarres et se promène pour aller aux messes d'enterrements. Les messes de mariages, bof. Mais voilà, un beau jour, des méchants garçons vont l'enfermer dans une caisse en métal avec des petits trous sur le dessus.
"J'm'ankylose quoi."
Michel se fait enlever et se retrouve quelque part paumé dans le Loir-et-Cher. Ses ravisseurs sont trois types : un gros Israélien, un boxeur et un dernier dont la fonction m'échappe. Comme on dit, la rigolade s'installe bien vite, parce que Michel n'est pas un otage comme les autres. Michel doit boire, Michel doit fumer et si possible, Michel aimerait bien qu'on lui amène une fille plutôt que de lui proposer des films pornos pour faire passer le temps. Et oui, car Michel Houellebecq s'emmerde. Cela dit, il apprécie la cuisine, le poulet est bon bien que pas assez cuit. La maison où ils se trouvent est celle de maman et papa, anciens immigrés polonais qui hébergent l'un des leurs dans un préfabriqué posé sur le terrain.
"Toi tu fermes ta gueule, question littérature. Attend j'vais t'envoyer le cendrier à la gueule"
"- Je suis profondément intolérant, et je t'emmerde !
- Allons, ça énerve le chien !"
Les journées passent et Michel prend ses marques. Si seulement ils pouvaient lui laisser un briquet. Il ne demande pas grand chose : pouvoir lire, fumer et picoler. Le reste, il s'en tape pas mal. Il commence même à se faire à sa situation. Les repas sont des mythes de dialogues, et les passages à vide me semblent encore plus mémorables. Voir Michel faire une prise de catch, se moquer de l'israélien qui fait de la poésie ou s'énerver parce qu'on traite Tolkien de tarlouze, ça n'a pas de prix, en tout cas pour moi. Mon adoration pour Houellebecq ne vient pas de ce film mais de ses livres et de ses interviews. Et ceux qui vont s'offusquer parce qu'ils ont entendu les méchants médias dire des méchantes choses sur le bonhomme peuvent aller brûler en enfer et donner ma carte de visite au maître des lieux.
"- Les meilleurs rognons que j'ai mangé c'était à Toul. Par contre elle les fait très bien. J'ai mangé des rognons à... l'Escale. C'était moins bien. J'ai mangé l'autre jour des rognons, pareil, c'était pas si bon.
- Je crois qu'il faudrait que je me repose maintenant."
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Commentaires
Alors ? Quelqu'un d'autre que moi a trouvé ce film mythique ? :)
Ecrit par Vince le dimanche 04 octobre 2015 à 22:11
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