Attention, méga mise en situation, puis focus sur le premier disque de la tétralogie du Devin Townsend Project.
Artiste : Devin Townsend Project
Label : HevyDevy
Producteur : Devin Townsend
Habituellement, quelqu’un qui a déjà posé une oreille sur un des nombreux disques auxquels Devin Townsend a participé, s’en rappelle. Cet artiste canadien particulièrement prolifique a une patte assez reconnaissable, souvent vite associé au terme folie. Il faut dire que le bonhomme n’a pas pour réputation de n’abuser que du Perrier citron et de la salade verte pour parvenir à composer. Si une aura aussi hallucinogène plane au-dessus de ses anciennes œuvres, ça n’est pas qu’un hasard. Dans cet état, il a fait vivre le groupe Strapping Young Lad et s’est aussi fait une carrière solo très solide.
Cependant, Devin a décidé de ne plus dépendre de substance diverses pour parvenir à la création. Cette sage décision a entraînée une petite période de trouble artistique, avant qu’il ne revienne aux affaires avec un projet ambitieux. Sobrement intitulé The Devin Townsend Project, cette nouvelle entité musicale était programmée pour accoucher de quatre albums, ni plus, ni moins. Finalement, le bonhomme n’a bien sûr pas su se contenir et on compte déjà plusieurs autres sorties, mais la tétralogie reste la base, et les meilleurs à mon sens. A chaque fois, le propos sera différent, et les musiciens participants également. Les quatre sont sensés être liés, ne former qu’une grande œuvre. Sorti entre 2009 et 2011, la tétralogie est musicalement assez osée, particulière, et, il faut bien le dire, prenante. Devy lui-même décrit les disques comme étant un apéritif, deux repas et un dessert. Alors à table, mais soyez prévenu, la digestion sera parfois difficile, et à la sortie vous aurez mangé pour un moment.
Dans l’ordre, on trouve d’abord Ki (dont on va parler aujourd’hui), puis Adicted, Deconstruction et Ghost.
Pour se procurer tout ça, outre l’achat séparé de chaque disque, il existe une édition qui réunit Déconstruction et Ghost, ainsi qu’une box intitulée Contain Us, qui regroupe les 4 disques, plus 2 CD de titres bonus et de démos, et des DVD au contenu divers. Autant dire, un bel objet de collection. Je n’ai parcouru que la tétralogie elle-même, pas le reste.
Et pour les amateurs absolus, une box intitulée By A Thread propose un contenu vertigineux, à savoir 4 concerts reprenant chacun des albums dans son intégralité, plus quelques rappels divers. L’objet ultime de Townsend à posséder si on a la place à la maison, puisqu’il y a quand même 4 DVD et 5 CD audio.
Si vous êtes sages, je détaillerai peut-être tout ça plus tard, mais pour le moment restons sur Ki…
Le KI est une notion complexe de spiritualité en extrême orient. On pourrait la résumer à un flux d’énergie spirituelle qui parcourt le monde et les hommes. C’est certainement un résumé affligeant d’imprécision, mais mes relations réelles avec le Ki ne se résument presque qu’à Dragon Ball, comme beaucoup de monde, ce qui donne une idée de non-maîtrise de la notion.
Ici, bien qu’une certaine aura mystique plane autour de ce disque et de son packaging, Devy ne traite pas réellement de cette notion au sens propre. Nous sommes dans l’esprit du musicien, avec, effectivement, toutes les différentes énergies qui le traverse à cette période charnière de sa vie personnelle.
Au premiers abords, l’initié en Devin Townsend comme le novice sera assez perplexe devant l’étrangeté de KI. Les premiers mots qui viennent sont épuré, intimiste, presque jazz sur les bords, et étrange… Pourtant KI n’est pas impénétrable ni trop abstrait, il est juste assez expérimental, déroutant et difficile d’accès sans en avoir l’air. Cette difficulté à cerner l’album vient de ses nombreux paradoxes. On n’y retrouve pas l’habituelle épaisseur sonore du musicien, et pour autant la musique n’en est pas moins complexe et riche. De plus elle est, à l’image de l’esprit de son compositeur, d’humeur changeante.
Du coup, difficile de trouver une couleur dominante. L’album n’est clairement pas heavy, avec cette batterie presque jazzy, cette guitare souvent douce, voir planante, ce son feutré, et ces quelques pistes presque atmosphériques. Pourtant, il n’est vraiment pas calme et apaisé pour autant. On peut même dire qu’il se montre souvent menaçant, bouillonnant, plein d’une colère contenue. D’ailleurs les quelques vrais éclats de saturations et de chants extrêmes dans la premières moitié de l’album semblent ne s’échapper que par trop plein, par débordement incontrôlable, pour être réprimés dès que possibles. Cela donne à Devin l’occasion de montrer brièvement tout l’étendue de son spectre vocal, avec son chant clair si étonnant et son registre extrême plus que maîtrisé. Le plus souvent, il se contentera, à l’image de l’album, de tout jouer dans la retenue, ce qui ne l’empêchera pas d’offrir mille et une remarquables nuances et émotions.
Replié sur lui-même, renfermé, Ki n’est à priori pas franchement attrayant. Il faut de l’attention pour dénicher ce qu’il a de beau (Terminal ou Lady Helen), ce qu’il a d’ambigu (Disruptr ou Heaven Send), ou de plus joyeusement fou (le swing rétro de Trainfire ou Ki). Les quelques longueurs atmosphériques plombent un peu l’ensemble, et obligent à l’écouter avec un système sonore honnête. Exit le smart phone et son haut-parleur vachement trop cool, et le PC portable avec le 2.0 de voyage, vous passeriez complètement à côté.
Malgré ces nombreux côtés atypiques, Ki reste bien un album de Devin Townsend, et a le mérite de ne pas faire dans le convenu pour démarrer sa tétralogie. Ecouter Townsend, c’est faire preuve d’ouverture d’esprit, et celui-ci en est un bon exemple. Le jeu en vaut la chandelle, d’autant plus que ça n’est que le premier acte.
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